Savoir quand et comment quitter ?
Comment savoir que notre couple vit un moment difficile tout à fait normal ou une relation devenue impossible ? Que faire lorsqu'on pense à la séparation ? Comment s'assurer que tout à été fait pour reconquérir l'amour perdu ? Comment réussir notre divorce si on ne peut faire autrement ?
Les moments difficiles
Tous les couples passent par des crises tout à fait prévisibles. Tous n’y survivent pas. La moitié divorce ; d’autres se résignent ; certains sortent grandis dans leur amour suite à ces épreuves. La moitié des couples qui divorcent le font dans les cinq premières années de leur union, et souvent dans l’année suivant l’arrivée d’un enfant, véritable tremblement de terre. De plus, nous savons aujourd’hui que 65 à 80 % des divorces sont initiés par la femme. La principale raison d’après la sociologue féministe Evelyne Sullerot : leur désenchantement.
De nombreux couples ne survivent pas à la baisse de la passion, premier moment difficile. Près de 80 % des couples ne dépasse jamais la lutte pour le pouvoir consécutive à la lune de miel. Parfois, le couple éclate lors du déménagement dans leur maison tant espérée. Les changements de carrière de l’un des conjoints ou la perte d’emploi de l’autre constitue aussi des moments difficiles. L’infidélité (les deux tiers divorcent après une infidélité) est souvent utilisée comme prétexte à la séparation, alors qu’elle est la conséquence d’un déséquilibre conjugal.
La maladie d’un conjoint, la mort d’un être cher, le départ des enfants… sont d’autres difficultés auxquelles les couples doivent faire face un jour ou l’autre. On constate une recrudescence des divorces lors de la mise à la retraite d’un ou des deux conjoints. Les deux amants du début, devenus deux parents, se retrouvent parfois comme deux étrangers ou deux ennemis intimes lorsque les enfants s’en vont.
Les relations difficiles
Les couples heureux réussissent tant bien que mal à profiter de ces moments pour se rapprocher et devenir de plus en plus complices. En soi, aucun de ces moments ne justifie un divorce. Par contre, d’autres situations ne peuvent être résolues que par la séparation. Il existe six situations où la relation est une impasse et dont la solution serait d’y mettre fin, à moins d’une révolution de la dynamique toxique.
1. Vous devez mettre fin à toute relation avec une personne hors d’atteinte parce que votre amoureux est déjà marié, parce qu’il vous dit qu’il ne veut pas s’engager (croyez-le !) ou parce qu’il ne peut pas s’engager à cause de son workaholisme. L’une de mes clientes de 38 ans attendait que son amant, marié, divorce depuis plus de 14 ans. Vous imaginez !
2.Vous devez divorcer lors que vous êtes sur des longueurs d’ondes fondamentalement différentes, où n’existe aucun point commun, où la communication ne mène nulle part et où, finalement, vous avez peu de plaisir à être ensemble.
3. Si vos besoins d’amour et de tendresse ne sont pas respectés, si votre partenaire rejette votre sexualité, s’il n’y a aucun respect ou honnêteté (infidélité à répétition par exemple), si vous ne ressentez aucun soutien émotif, quittez !
4. Si vous avez l’impression que votre couple constitue un territoire dévasté où ne règnent que le vide, l’isolement, le manque, la distance... quittez !
5. Quittez aussi le couple qui n’est qu’un champ de bataille remplit de haine, de colère et d’insultes.
6. Et quittez toute relation de manipulation par la jalousie (tu n’as pas le droit d’exister en dehors de moi), par la faiblesse (je ne suis rien sans toi), par le pouvoir (tu agis comme je veux que tu agisses, sinon... je te quitte), par la servitude (je te suis tellement utile que tu ne pourras jamais me quitter) ou par la culpabilité (tout est de ta faute si ça ne marche pas entre nous)
Dynamique relationnelle malsaine
Il existe dans tout couple une lutte pour le pouvoir tout à fait normale. Cette lutte peut être saine si elle permet aux deux membres d’exprimer leurs besoins, de satisfaire leurs attentes et si elle se fait dans le respect mutuel et la confiance réciproque. Par contre, elle devient malsaine lorsque vous vivez une ambivalence viscérale entre votre raison qui vous dit de quitter cette situation malsaine et votre cœur qui vous dit que vous l’aimez toujours. Vous aurez alors tendance à rationaliser votre inaction à partir de fausses croyances ou de faux sentiments.
Vous chercherez à vous convaincre qu’il vous aime malgré sa froideur, que c’est tellement bon ce qui se passe parfois (mais rarement) entre vous deux, que si vous vous disputez, c’est parce que vous vous aimez beaucoup, que l’amour n’est pas tout dans la vie, que c’est parce que l’autre a peur de l’intimité, ou qu’il n’a pas appris à exprimer ses émotions.
Ces rationalisations (le mental menteur) sont basées sur des croyances fortement enracinées telles que : • La solitude est le pire des états • Je sens que je ne pourrais pas vivre sans lui ou elle • On peut tout endurer quand on aime vraiment • Je ne peux pas lui faire ça • Qui d’autres voudrait de moi ? • Ça ne se peut pas qu’on ne s’aime plus après s’être tellement aimé.
À long terme, cette ambivalence ne peut mener qu’à une perte d’estime de soi et de confiance en soi. De plus, le stress émotif provoque des tensions musculaires et des modifications biochimiques, lesquelles perturberont votre équilibre, abaisseront votre résistance, développeront toutes sortes de malaises (maux de dos, insomnies, dysfonctions sexuelles) et vous rendront malade. Pour contrebalancer, vous serez porté à utiliser différents moyens de fuite : le travail, l’alcool ou les drogues, les médicaments (amphétamines, barbituriques, tranquillisants), une quête téméraire où vous risquez le tout pour le tout. Vous pourriez même poser des actes suicidaires en devenant boulimique ou anorexique, en ayant une conduite dangereuse ou en faisant une véritable tentative de suicide.
Si vous vous reconnaissez dans ce tableau, vous devez absolument vous convaincre que le danger pour votre santé physique et mentale croît avec le temps et vous posez la question suivante : « Si la situation est telle quelle dans cinq ans, en voudrais-je encore ? »
Indices de statu quo
Il se peut fort bien que, malgré toute votre bonne volonté et votre amour, vous ne puissiez améliorer la relation avec votre partenaire. Voici des indices démontrant que votre partenaire ne changera jamais et qu’il ne vous aimera pas plus qu’il ne le fait actuellement.
1. Vous avez l’impression d’être le seul à vous impliquer dans le couple.
2. Il a développé une attitude négative devant la vie.
3. Les coupables, ce sont les autres.
4. Il fuit dans l’alcool, les paris, la drogue, le sport, le travail, les enfants…
5. Il a développé un caractère autoritaire et confrontant avec son entourage.
6. Sa vie est parsemée d’échecs à tous points de vue.
7. Il tient ses promesses le temps de vous amadouer.
8. Il essaie de gagner du temps et refuse toute thérapie ou changement.
Finalement, vous en arrivez à croire que « Cela ne peut pas être pire ailleurs ! » et vous vous surprenez de plus en plus souvent à penser à la séparation, à un ancien amoureux du temps de votre adolescence, à prendre un amant pour aller vérifier « comment ça se passe ailleurs ». Vous êtes de plus en plus sensible aux marques d’attention des hommes ou femmes qui gravitent dans votre entourage.
Deux questions fondamentales
Pour savoir s’il est temps de mettre un terme à votre ambivalence, posez-vous les deux questions suivantes :
1) Est-ce que les bénéfices que je retire de cette relation sont plus importants que ce qu’il m’en coûte ? Utilisez le tableau ci-contre, puis répondez à la deuxième question.
Bilan relationnel
Évaluez si le degré de satisfaction de chacun de ces besoins est
5. Très élevé 4. Élevé 3. Moyen 2. Bas 1. Très bas
1. Satisfaction affective générale _____
2. Communication _____
3. Complicité _____
4. Intérêts communs _____
5. Soutien pratique _____
6. Soutien affectif _____
7. Soutien de croissance personnelle _____
8. Sentiment d’être aimé par mon partenaire _____
9. Sentiment d’aimer mon partenaire _____
10. Sentiment de respect pour mon partenaire _____
11. Sentiment d’être respecté par mon partenaire _____
12. Sentiment de confiance envers mon partenaire _____
13. Sentiment que mon partenaire a confiance en moi _____
14. Sentiment d’être enrichi par mon partenaire _____
15. Sentiment d’enrichir mon partenaire _____
16. Plaisir d’être ensemble _____
17. Chaleur _____
18. Satisfaction sexuelle _____
19. Sentiment d’estime de moi dans la relation _____
20. Désir de passer du temps avec mon partenaire _____
Le degré de satisfaction de votre relation est directement proportionnel au résultat obtenu. Minimum : 20 points. Maximum : 100 points.
2) Est-ce que mes attentes sont réalistes ou narcissiques ?
Pour le narcissique, l’autre doit être exactement ce qu’il veut qu’il soit, répondre à tous ses besoins, toujours être disponible, n’avoir aucune exigence ou faiblesse, être son double psychologique, deviner ses moindres désirs, être le centre de l’attention… Il croit aussi qu’on ne devrait pas avoir à faire d’efforts lorsqu’on aime. Le narcissique est en fait un enfant gâté à la recherche d’une relation symbiotique impossible à obtenir. Si vous vous êtes en train de vous posez cette question, c’est que vous êtes réaliste. Les narcissiques ne se remettent pas en question.
Moyens pour faciliter la rupture
Si votre bilan est plutôt négatif et que vous n’êtes pas narcissique, vous devrez, pour rompre cette mauvaise relation, vaincre trois niveaux d’attachements. La médiation (maintenant obligatoire au Québec) vous facilitera le règlement des considérations pratiques, soit la garde des enfants et le partage du patrimoine.
Ensuite, vous devrez lutter contre les croyances apprises depuis longtemps et qui sont présentées comme des valeurs sociales : l’amour dure toujours et peut tout conquérir ; le mariage est un sacrement que l’on ne peut défaire ; le plus important, c’est la sécurité ; le divorce constitue un échec… Sans parler de l’image de vous-même que vous devrez reconstruire pour reprendre confiance en vous et votre charme. Une bonne façon de contrecarrer ces croyances est d’en développer d’autres : La culpabilité ne sert à rien ; L’amour ne dure pas nécessairement toujours ; La douleur de la rupture ne va pas durer toujours ; le divorce est une transition entre deux états de vie…
Le plus difficile reste cependant votre soif d’attachement qui devient souvent la base de la dépendance envers l’autre et qui explique votre choix d’un partenaire souvent inadéquat. Cette soif a des racines qui remontent loin dans votre enfance et qui nécessite souvent l’intervention d’un thérapeute pour en prendre conscience. L’amour de vos parents (ou son absence) influence votre scénario amoureux actuel. Tant que vous ne vouslibérerez pas de ce scénario, vous serez porté à le répéter.
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Même si les gens mariés vivent mieux et plus longtemps, vivre à deux n’est pas une garantie de bonheur, tout comme vivre seul n’est pas une garantie de malheur. Rappelez-vous que vous n’avez qu’une seule vie à vivre, que vous n’êtes responsable que de vous-même et que la seule garantie que vous possédiez est que vous allez passer le reste de cette vie avec… vous-même.
Il existe une vie après le divorce, et elle est souvent meilleure.
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Yvon Dallaire, est psychologue, formateur, conférencier et auteur canadien de nombreux livres sur les relations homme – femme, dont une trilogie sur le bonheur conjugal :http://www.yvondallaire.com/livres/. Il est créateur d’une formation en thérapie conjugale positive (FTCP), formation réservée aux intervenants en relation d’aide.